Terre de légendes et de conquêtes, la Tartarie a longtemps fasciné l’imaginaire occidental.
Ce vaste territoire aux contours flous s’étendait des steppes d’Asie centrale jusqu’aux confins de la Sibérie.
Mais que savons-nous vraiment de cette contrée mythique ?
Plongée dans l’histoire méconnue d’un empire disparu qui a façonné une grande partie de l’Eurasie.
Aux origines de la Tartarie
La Tartarie, connue sous le nom de Grande Tartarie, désignait une immense région s’étendant de la mer Caspienne à l’océan Pacifique. Ce terme, utilisé par les Européens du Moyen Âge jusqu’au début du XXe siècle, englobait des territoires aussi vastes que variés.
L’appellation « Tartarie » provient des Tartares ou Tatars, peuples turco-mongols qui dominèrent la région pendant des siècles. Ces redoutables guerriers nomades marquèrent profondément l’histoire de l’Asie centrale.
Les origines de la Tartarie remontent au IIIe siècle avant J.-C., lorsque les premiers conquérants turcs s’emparèrent de vastes territoires en Asie centrale. Au XIIe siècle, la fusion de l’Empire turc avec celui des Mongols donna naissance à la puissante « Grande Horde », préfigurant l’immense empire tartare.
Géographie et subdivisions de la Tartarie
La Tartarie couvrait un territoire immense, englobant des régions aussi diverses que la Sibérie, le Turkestan, la Mongolie et la Mandchourie. Cette vaste étendue était traditionnellement divisée en plusieurs zones :
- Tartarie chinoise : Elle comprenait la Mongolie, la Mandchourie, le Xinjiang (ancienne Dzoungarie), le Tibet, le Qinghai et même l’île de Sakhaline.
- Tartarie indépendante : Située à l’ouest, elle englobait des régions correspondant aujourd’hui au Kirghizistan, à l’Ouzbékistan et à des parties du Kazakhstan et de l’Afghanistan.
- Tartarie russe : Aussi appelée Russie asiatique, elle correspondait à l’actuelle Sibérie.
- Tartarie moscovite : Située à l’extrême ouest, elle incluait des régions comme la Kalmoukie.
- Petite Tartarie : Également nommée Tartarie d’Europe, elle s’étendait autour de la mer Noire, englobant la Crimée et des régions du Caucase.
Une subdivision moins connue, la Tartarie de Youpi, incluait l’île de Sakhaline et l’actuelle Hokkaido au Japon.
Culture et société tartares
La Tartarie était un creuset de cultures et de civilisations, principalement influencées par les traditions turques et mongoles. Cette diversité se reflétait dans tous les aspects de la vie quotidienne :
Langues et communication
La langue principale de la Tartarie était le turc, avec une multitude de dialectes locaux. Les langues mongoles étaient largement répandues. Cette diversité linguistique témoigne de la richesse culturelle de la région.
Religions et croyances
La Tartarie était un carrefour religieux où coexistaient l’islam, le christianisme et le bouddhisme. Dans certaines régions, comme la monarchie Tanguthe, des pratiques plus exotiques persistaient. Le roi y était vénéré comme une divinité par les autres souverains tartares.
Mode de vie nomade
Les Tartares étaient réputés pour leur mode de vie nomade, adapté aux vastes steppes d’Asie centrale. Leurs compétences en équitation et en archerie étaient légendaires, faisant d’eux de redoutables guerriers.
L’héritage de la Tartarie
Bien que la Tartarie n’existe plus en tant qu’entité politique, son influence reste palpable dans l’Asie centrale moderne :
Héritage linguistique
Les langues turques et mongoles demeurent largement parlées dans toute la région, témoignant de l’empreinte durable de la culture tartare.
Traditions culinaires
Des plats typiques comme le laghman (nouilles) et le koumis (lait de jument fermenté) sont toujours appréciés, perpétuant les saveurs de l’ancienne Tartarie.
Architecture et art
De nombreux sites historiques, mosquées et centres culturels datant de l’époque tartare subsistent, offrant un aperçu fascinant de cette civilisation disparue.
Influence politique
Certains aspects du style de gouvernance tartare, notamment l’importance accordée à la solidarité, persistent dans plusieurs pays d’Asie centrale.
La Tartarie dans l’imaginaire occidental
Pendant des siècles, la Tartarie a occupé une place importante dans l’imaginaire européen. Terre lointaine et mystérieuse, elle était souvent dépeinte de manière fantasmée dans les récits de voyage et les cartes de l’époque.
Cartographie de la Tartarie
Les cartographes européens ont longtemps lutté pour représenter fidèlement cette vaste région. En 1806, le cartographe britannique John Cary produisit une carte distinguant la Tartarie indépendante de la Tartarie chinoise, tentative notable de clarifier la géographie de cette zone méconnue.
Récits et descriptions
Des ouvrages comme « La Chine illustrée » d’Athanasius Kircher et « Description géographique, historique, chronologique, politique et physique de l’empire de la Chine et de la Tartarie chinoise » de Jean-Baptiste Du Halde ont grandement contribué à façonner la perception occidentale de la Tartarie.
La fin de la Tartarie
Le concept de Tartarie s’est progressivement effacé à la fin du XIXe siècle, avec la colonisation russe de l’Asie centrale et l’expansion de l’Empire chinois. Les territoires de l’ancienne Tartarie ont été intégrés à différents pays :
- La Mongolie est devenue un État indépendant
- Le Turkestan chinois a été incorporé à la Chine (actuel Xinjiang)
- Le Kazakhstan, le Kirghizistan, l’Ouzbékistan et le Tadjikistan sont devenus des républiques soviétiques avant d’accéder à l’indépendance
Explorer la Tartarie aujourd’hui
Bien que la Tartarie n’existe plus en tant que telle, il est possible de partir sur les traces de cette fascinante civilisation :
Sites incontournables
- La ville de Kazan en Russie, ancienne capitale du khanat tartare
- La Grande Muraille de Chine, construite en partie pour se protéger des invasions tartares
- Les steppes de Mongolie, cœur de l’ancien empire tartare
- La ville de Samarkand en Ouzbékistan, joyau de l’architecture timouride
Musées et expositions
De nombreux musées en Asie centrale et en Russie présentent des collections d’objets et d’artefacts tartares, offrant un aperçu fascinant de cette civilisation disparue.
L’héritage vivant de la Tartarie
Bien que la Tartarie ait disparu des cartes, son héritage reste vivace dans toute l’Asie centrale. Les traditions nomades, l’artisanat, la musique et la gastronomie perpétuent l’esprit de cette ancienne civilisation. Les fêtes traditionnelles, comme le Naadam en Mongolie, offrent un aperçu saisissant de la culture tartare.
L’étude de la Tartarie nous rappelle la fluidité des frontières et des identités en Asie centrale. Cette région, carrefour de civilisations, continue de fasciner par sa richesse culturelle et son histoire mouvementée. Alors que le monde se tourne de plus en plus vers l’Asie, redécouvrir l’histoire de la Tartarie permet de mieux comprendre les dynamiques complexes qui façonnent cette partie du monde.