Une découverte archéologique en Ukraine bouleverse notre compréhension de l’histoire des premières villes.
Un site, connu depuis plus de cinquante ans mais dont l’importance n’a été révélée que récemment, pourrait bien réécrire les livres d’histoire.
Cette cité antique, située dans l’est de l’Europe, serait potentiellement plus ancienne que les célèbres villes mésopotamiennes, longtemps considérées comme les pionnières de l’urbanisation.
Un site archéologique qui défie l’histoire conventionnelle
Le site en question, baptisé Trypillia, a été découvert en 1960 grâce à des photographies aériennes. Situé près de Kiev, il s’étend sur une impressionnante superficie de 320 hectares. Les structures concentriques qui y ont été identifiées sont qualifiées de proto-urbaines par les experts, suggérant une planification urbaine sophistiquée bien avant l’émergence des cités mésopotamiennes.
Ce qui rend cette découverte particulièrement fascinante, c’est son ancienneté. Les habitations de Trypillia, principalement construites en argile et en bois, ont été datées entre le Ve et le IVe millénaire avant J.-C. Cette datation place le site ukrainien plus de 2000 ans avant Uruk, la cité mésopotamienne longtemps considérée comme l’épicentre de la révolution urbaine.
La culture Cucuteni-Trypillia : une civilisation méconnue
Le site de Trypillia fait partie d’un ensemble plus vaste connu sous le nom de culture Cucuteni-Trypillia. Les premières traces de cette culture ont été découvertes en Roumanie en 1884, mais c’est le site ukrainien qui a vraiment capté l’attention des chercheurs.
Ce « méga-site » néolithique aurait accueilli près de dix mille habitants, répartis sur plusieurs centaines d’hectares. Les archéologues y ont mis au jour des artefacts remarquables, notamment des poteries ornementées vieilles de 6000 ans, témoignant d’un niveau de sophistication artistique et technique avancé pour l’époque.
Remise en question du paradigme mésopotamien
Traditionnellement, la Mésopotamie était considérée comme le berceau de la civilisation. On pensait que les premiers villages étaient apparus dans le Croissant fertile, une région s’étendant du delta du Chatt-el-Arab au sud de l’Anatolie, après l’avènement de l’agriculture.
La cité d’Uruk, en particulier, était souvent citée comme le point de départ de la révolution urbaine, avec une structure urbaine complexe datant d’environ 3500 avant J.-C. Cependant, les découvertes à Trypillia remettent en question cette chronologie établie.
Implications pour notre compréhension de l’histoire ancienne
Si les hypothèses concernant Trypillia se confirment, elles soulèveraient de nombreuses questions fascinantes :
- Comment ces premières villes étaient-elles administrées ?
- Existait-il une forme d’écriture pour gérer une population aussi importante ?
- Y avait-il d’autres foyers urbains contemporains ailleurs en Europe ou dans le monde ?
- Comment l’outillage en bronze et les techniques agricoles se sont-ils diffusés dans cette région ?
Ces interrogations ouvrent de nouvelles perspectives pour la recherche archéologique et historique, promettant de révolutionner notre compréhension des débuts de l’urbanisation.
Un chantier archéologique en temps de guerre
Malgré le conflit en cours en Ukraine, les recherches archéologiques se poursuivent sur le site de Trypillia. Les chercheurs espèrent en apprendre davantage sur cette culture néolithique méconnue et son rôle dans l’émergence des premières villes.
Cette persévérance témoigne de l’importance cruciale de ces découvertes pour notre compréhension de l’histoire humaine. Chaque nouvelle fouille, chaque artefact mis au jour, pourrait apporter des éléments décisifs pour confirmer ou infirmer l’hypothèse selon laquelle Trypillia serait la plus ancienne ville du monde.
Un débat scientifique en cours
On doit mettre l’accent sur le fait que, bien que ces découvertes soient extrêmement prometteuses, elles suscitent un débat au sein de la communauté scientifique. Certains chercheurs appellent à la prudence, soulignant la nécessité de mener des campagnes de fouilles supplémentaires et d’analyses plus approfondies avant de tirer des conclusions définitives.
Le fait que le site soit connu depuis 50 ans, mais que ces hypothèses n’aient été présentées que récemment comme des certitudes, a été critiqué par certains experts. Ils soulignent l’importance d’une approche rigoureuse et méthodique dans l’interprétation des données archéologiques.
Perspectives futures
Que Trypillia s’avère être ou non la plus ancienne ville du monde, ces découvertes ouvrent de nouvelles perspectives passionnantes pour la recherche archéologique en Europe de l’Est. Elles nous rappellent que notre compréhension du passé est en constante évolution, et que des découvertes majeures peuvent encore être faites, même sur des sites connus depuis longtemps.
Les prochaines années seront cruciales pour valider ou infirmer ces hypothèses. De nouvelles campagnes de fouilles, des analyses plus poussées des artefacts découverts, et peut-être même de nouvelles techniques d’investigation archéologique pourraient apporter des réponses aux nombreuses questions soulevées par le site de Trypillia.
Quoi qu’il en soit, ces recherches nous rappellent l’importance de rester ouverts à de nouvelles interprétations de notre passé. L’histoire de l’urbanisation, et plus largement de la civilisation humaine, est peut-être plus complexe et plus ancienne que nous ne l’avions imaginé jusqu’à présent.