Il est difficile d’imaginer aujourd’hui que le pantalon, un vêtement si courant et confortable, était autrefois interdit aux femmes en France.
Cette interdiction, qui remonte à l’époque révolutionnaire, ne fut officiellement levée qu’en 2013, même si dans les faits, les femmes avaient déjà adopté ce vêtement depuis longtemps.
Revenons sur cette histoire fascinante et méconnue, qui nous rappelle les combats menés par les femmes pour leur émancipation et leur égalité avec les hommes.
Le pantalon, un vêtement réservé aux hommes
Avant d’expliquer pourquoi le pantalon fut interdit aux femmes, il est important de comprendre d’où vient cette pièce vestimentaire et quelle était sa place dans la société française de l’époque.
Le pantalon est un vêtement d’origine orientale, qui s’est diffusé en Europe au cours des siècles. Au XVIIIe siècle, il fait son apparition en France, où il est d’abord porté par les hommes des classes populaires, notamment les ouvriers et les artisans. Il est alors considéré comme un vêtement pratique et confortable, adapté aux travaux manuels et à la vie quotidienne.
À cette époque, les femmes portent des robes, des jupes ou des jupons, qui sont autant de signes de leur féminité et de leur statut social. Le pantalon, en revanche, est perçu comme un attribut masculin, qui symbolise la force, l’autorité et la virilité. Les femmes qui osent porter un pantalon sont donc considérées comme transgressant les normes de genre et menaçant l’ordre social établi.
C’est dans ce contexte que le port du pantalon est interdit aux femmes en 1799, par un arrêté préfectoral qui stipule que « toute femme désirant s’habiller en homme doit obtenir l’autorisation de la police ». Cette mesure, qui vise à préserver les distinctions entre les sexes et à maintenir les femmes dans leur rôle traditionnel, sera renforcée en 1800 par la loi sur la police générale, qui prévoit des amendes pour les contrevenantes.
Les premières femmes à braver l’interdiction
Malgré cette interdiction, certaines femmes n’hésitent pas à revêtir le pantalon, dans un acte de résistance et d’affirmation de leur identité.
- George Sand, écrivaine et féministe avant l’heure, est l’une des premières à oser porter le pantalon en public. Elle l’adopte pour des raisons pratiques (elle trouve les robes trop encombrantes) et esthétiques (elle aime l’élégance masculine), mais aussi pour marquer son indépendance et sa volonté de s’affranchir des conventions sociales. Malgré les critiques et les moqueries qu’elle essuie, elle continuera à porter le pantalon tout au long de sa vie.
- Les femmes du peuple, quant à elles, n’ont parfois pas d’autre choix que d’enfiler un pantalon pour travailler ou pour se déplacer. Les ouvrières, les paysannes, les marchandes ou encore les porteuses d’eau sont souvent contraintes d’abandonner leurs jupons pour des vêtements plus pratiques et adaptés à leurs activités. Elles sont ainsi les premières à transgresser l’interdiction, bien avant les femmes de la haute société ou les artistes.
- Les femmes soldats, enfin, sont amenées à porter le pantalon pour exercer leur métier. Au cours des guerres révolutionnaires et de l’Empire, plusieurs femmes s’engagent dans l’armée française, en se faisant passer pour des hommes ou en obtenant des autorisations spéciales. Elles revêtent alors l’uniforme et le pantalon, symboles de leur engagement et de leur bravoure.
Le pantalon, vecteur d’émancipation féminine au XXe siècle
Le XXe siècle marque un tournant dans l’histoire du pantalon et de la mode féminine en général.
Les femmes, de plus en plus nombreuses à travailler et à participer à la vie publique, réclament des vêtements adaptés à leurs besoins et à leurs aspirations.
- La Première Guerre mondiale constitue un moment clé dans cette évolution, car elle contraint des millions de femmes à remplacer les hommes au travail et à endosser des responsabilités nouvelles. Elles adoptent alors le pantalon, pour des raisons de praticité et de sécurité, mais aussi pour affirmer leur émancipation et leur égalité avec les hommes.
- Les années 1920 et 1930 consacrent l’essor du pantalon féminin, qui devient un symbole de modernité et de liberté. Les femmes « garçonnes », notamment, l’arborent fièrement, dans un esprit de provocation et de rébellion contre les codes vestimentaires traditionnels. Les créateurs de mode, comme Coco Chanel ou Paul Poiret, contribuent à populariser le pantalon, en le proposant dans leurs collections et en l’intégrant à leurs défilés.
- Les années 1960 et 1970 voient l’apparition du pantalon dans la garde-robe de toutes les femmes, qu’elles soient jeunes ou âgées, riches ou pauvres, urbaines ou rurales. Il est désormais porté dans toutes les occasions et toutes les circonstances, du travail aux loisirs, en passant par les sorties et les réunions de famille. Il devient ainsi un symbole d’égalité et de démocratisation, qui accompagne les luttes féministes et les revendications pour les droits des femmes.
L’abrogation officielle de l’interdiction en 2013
Il est intéressant de noter que malgré cette évolution rapide et massive, l’interdiction du pantalon pour les femmes restera en vigueur jusqu’en 2013, date à laquelle elle sera finalement abrogée.
En effet, l’arrêté de 1799 et la loi de 1800, bien que tombés en désuétude et ignorés par la plupart des Français, sont toujours inscrits dans les textes officiels et peuvent théoriquement être appliqués. Plusieurs tentatives pour les abolir ont échoué au cours du XXe siècle, principalement en raison de l’indifférence des pouvoirs publics et de l’absence de volonté politique.
C’est finalement en 2013, sous l’impulsion de la ministre des Droits des femmes Najat Vallaud-Belkacem, que le gouvernement français décide d’abroger officiellement l’interdiction du pantalon pour les femmes. Cette décision, largement symbolique et anecdotique, vient clôturer un chapitre de l’histoire de l’égalité entre les sexes et confirmer l’acceptation du pantalon comme un vêtement universel, indépendamment du genre de celui qui le porte.
L’histoire du pantalon et de son interdiction pour les femmes en France nous rappelle les combats menés par les femmes pour leur émancipation et leur égalité avec les hommes. Elle nous montre que les vêtements ne sont pas de simples objets de mode ou de confort, mais qu’ils peuvent aussi être des instruments de pouvoir, de contrôle et de résistance. Ainsi, le pantalon est aujourd’hui devenu un symbole d’émancipation féminine et de liberté, qui dépasse les frontières de la France et s’étend à l’ensemble du monde occidental.