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Dans « La présidente »-Les Arènes BD Démopolis 2015- François Durpaire et Farid Boudjellal anticipent une victoire de Marine Le Pen en 2017. Un scénario que crédibilisent les récents scores du FN aux élections régionales.
« Vous ne pourrez pas dire que vous ne saviez pas… » peut-on lire sur la couverture de « La Présidente » la bande dessinée scénarisée par l’historien François Durpaire et mise en bulles par Farid Boudjellal. Dans cette fiction, à la faveur d’un taux d’abstention record, Marine Le Pen se retrouve propulsée présidente aux élections présidentielles de 2017. Pour le dessinateur Farid Boudjellal, la réalité – une percée record des listes FN aux régionales – télescope dangereusement la fiction: « C’est plutôt stressant! » avoue t-il « Ceux qui font l’autruche doivent retenir cette leçon! Ceux qui disent qu’il ne faut pas parler du Front national parce que ça lui fait de la publicité. C’est un parti politique, donc éligible. Ne pas en parler est absurde! Ça fait son jeu au contraire. C’est dans le débat démocratique qu’il faut le contrer. » Pour Farid Boudjellal les Républicains et le PS n’ont pas de stratégie à opposer à la vague FN: « Ils sont bloqués. Ils nient leur responsabilité. Ils font des discours convenus, du surplace. Ils donnent l’impression de n’être que dans leur carrière. C’est déprimant!» Pour lui, comme dans la BD, avec les personnages de jeunes blogueurs, le recours ne peut venir que de la société civile: « Il y a un tas de blogueurs aujourd’hui qui sont très inquiets de cette montée du FN. »Un air de déjà vu
En 1995 à Toulon, la ville de Farid Boudjellal, le candidat FN Jean-Marie Le Chevallier avait remporté les municipales à la faveur d’une triangulaire: « Il a été élu dans un contexte de ras-le-bol. C’étaient des années de sinistrôse. » se souvient-il « Il y avait eu un taux d’abstention très important. J’avais pas mal de potes qui n’avaient pas voté. »
Dans la BD, François Durpaire s’est amusé à imaginer la formation d’un gouvernement FN avec des transfuges de la droite dure, comme Gérard Longuet, Thierry Mariani et Nadine Morano: « Nadine Morano a montré patte blanche. » estime Farid Boudjellal. « Par ses propos elle a peut-être même choqué des gens du FN! »
Déclin de l’anti-racisme ?
Citoyen engagé, auteur de séries sur l’immigration comme Mémé d’Arménie, Ramadan ou Petit polio, Farid Boudjellal a participé à la Marche de l’égalité. En 1984 ce mouvement anti-raciste a suscité pas mal d’espoirs: « J’ai fait beaucoup de choses: l’affiche de Convergence en 1984 (1), du film « Le gône du chaâba en 1986. En 1989 j’ai fait l’affiche de campagne de l’association “France Plus” pour amener les jeunes issus de l’immigration à voter (2).»
Une époque qui paraît bien loin à l’aune de 2015: « Il y a heureusement des gens pour qui le racisme reste un sac de merde! Mais globalement la perception a changé. Marine Le Pen et Marion Maréchal Le Pen ont été extrêmement violentes vis à vis des musulmans. Ce qui ne les a pas empêchées d’atteindre un score assez effrayant.» déplore Farid Boudjellal. «On est dans un climat d’Islamophobie. On tape sur les musulmans. On généralise. Il suffit qu’un musulman lâche un pet pour que toute la communauté soit sanctionnée. C’est une société qui communautarise. »
Pour la suite, la BD de François Durpaire et Farid Boudjellal n’a pas fini d’être confrontée à la réalité: « On fait pas mal de dédicaces en province, notamment à Strasbourg. Là où Florian Philippot a fait un gros score. Ça permet de prendre la température! »
(1) Du nom de la seconde Marche de l’égalité. Le principe était de converger en mobylette vers Paris, avec des villes étapes, pour revendiquer l’égalité des droits pour les immigrés.
(2) Sur l’affiche on voit un jeune au teint halé avec une carte d’électeur et le slogan « Demain je serais président ».
Le site des éditions des Arènes
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